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lundi 25 novembre 2013

J'ai croisé une fille au parfum de vanille




En réponse - mieux vaut tard que jamais ! - à l'admirable provocation de Lisa.





J'ai croisé une enfant qui sentait le printemps.
A l'automne dernier, peu avant le solstice, alors que je me délectais avec malice de voir deux putains s'embrasser goulûment, elle parût devant moi avec étonnement. J'ai senti sur l'instant qu'elle était pour moi : la fraîcheur du matin précédait son pas leste, ses pupilles dilatées trahissaient son émoi, et pourtant au milieu des catins elle n'était pas en reste. 
Heureux hasard ? Défi d'enfant ? Je ne compris jamais qui l'avait amené dans mon antre cette nuit là. Mais elle était sur le pas de la porte, et observait avec des yeux gourmands dans lesquels brillent les joyaux de la culpabilité. Elle était là. Elle était là, et c'était tout. La pauvre enfant terrorisée ne savait que faire ou dire. 

A peine entrée dans le terrier, Alice était paralysée. Je m'approchais à pas de loups, bien décidé à la croquer avant qu'un sombre chapelier s'en vienne me la chaparder. Approchée avec tact, je l'ai ferrée avant l'entracte de ce spectacle décadent : Eve tentée par Adam. Elle s'appelait Marie ; c'est un nom virginal. Un nom de gentille, de grenouille de bénitier.

" — En toute amitié, lui assurai-je, viens donc ici, je te protège. Laisse-moi donc te montrer comme on vit dans ces contrées où la morale n'a point prise. Le bien, le mal, sont concepts, des préchi-préchas ineptes. Aussi la vie n'est-elle pas grise, ni bonne et blanche, mauvaise et noire : elle est un spectre de couleurs qui se savoure avec bonheur. 
Vois ! Vois comme cette femme a l'air vivante ! Devenue veuve à ses vingts ans, elle a pleuré pendant longtemps. Un jour nos routes se sont croisées et mon regard s'est embrasé pour cette femme dont la détresse la tenait comme un chien en laisse. Chaque soir avant minuit, je visitais ma bonne amie. Je la trouvais toute effondrée, la mine grise, le front ombré. Je la mettais sur mes genoux, lui dépiotais des poèmes. Des vers plein de mots doux ; de ceux qu'on lit, de ceux qu'on aime. Rime à rime effeuillées, la prosodie et la métrique ont eût tôt fait de révéler leur triste vacuité. 
L'aride Bovary n'arrive pas à être heureuse. Elle rampe à terre et espère en secret que ses rêves erronés deviennent un jour réalité...
Alors mon amie, émancipée de l'intellect, se détendait tout doucement et appuyait contre ma tête ses douces tempes où je sentais des battements en syncopé, comme une étrange mélopée. Un genre de jazz à contre-temps avec une basse sonore, sur lequel on danse longtemps, au moins jusqu'à l'aurore. 
Vois ! Vois comme elle semble heureuse aujourd'hui. Son oeil est un gouffre ou chavire le réel et son sein de corail n'a rien de maternel. Toujours affamée, à genoux - prédatrice ! -, elle cueille des éphèbes, des enfants, juste comme ça, par pur caprice. Libérée des pruderies et des bêtises de curés, la vie n'est qu'une sauvage orgie pour cette belle délurée. "

Dans l'oeil de Marie, candide effarouchée, je lisais la pudeur, mais je l'avais touchée : si sa bouche choquée récitait des prières afin de conjurer les péchés qu'elle voyait, sa poitrine d'enfant haletait avec fièvre ; à chaque inspiration, sa morale ployait.
Je la pris dans mes bras et d'un regard complice, je lui fis mettre bas les derniers artifices d'une pensée surannée.

" — Pauvre enfant égarée, pétrie de bonnes moeurs, ton émoi trop visible et ton air effaré trahissent le malheur des bigotes risibles. Tu en es, ne nie pas ! Je renifle à cent pas les prudes comme toi. 
Sois tranquille cher ange, je t'apprendrai l'amour, et les jeux et le feu des étreintes éternelles. "

Frissonnante et fiévreuse, tremblante de désir, ma jeune amie s'abandonna à la caresse de ma main sur son sexe et geignit de plaisir. Il fallut lui apprendre à devenir diablesse, à aimer la luxure ainsi que la paresse, à louer le triomphe des verges turgescentes, et se faire l'apôtre des pratiques indécentes. Je l'ai éduquée en claquant sur ses fesses le long fouet du Maître qui inflige la brûlure ; le bâillon, la canne et la laisse, sont devenus les chatoyants bijoux de sa belle parure. 
Ce qui suivit n'est que littérature, de celle qui émoustille...

J'ai croisé une fille au parfum de vanille... 


Marcel Shagi





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