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jeudi 16 mai 2013

La graine et le grain de sable



J'ai souvent soupiré après d'urbaines inconnues, croisées ça et là, et jamais abordées. Le drame d'un regard, d'une rencontre, entre deux êtres que tout oppose et qui pourtant se sentent transir dès la première seconde ; voilà un beau topos ! Cent fois chanté, mille fois scandé, il ne laisse pourtant jamais de nous surprendre, et de nous toucher.
A une passante ...



La graine et le grain de sable


Fleur en bouton, je suis une étamine qui se balance
Au bout de ma tige, je m'étire et puis m'élance ;
La brise me porte, m'élève jusqu'aux nues ;
La bise m'emporte et me met à nu.

Flétrie par un vent besogneux,
Je suis trahie par le Zéphyr envieux.
Je volète un instant — dans l'azur je me noie —
Et puis je fonds, tel l'oiseau sur sa proie.

Sur la plage lasse, je crisse et m'encroûte.
Je suis un grain de sable que le ressac écoute.
Je lui conte comment, pendant plus de mil ans,
Ces mères les vagues sont arrivées céans.

J'ai vu toutes les mers,
Et l'écume des orages amers ; 
Par cent fois j'ai aimé la marée
Mais toujours à ma plage suis resté amarré.

— Au secours, au secours ! 
Le temps suspend son cours.
— D'où provient cet appel ?
Il entend la voix frêle.

Là haut, dans les cieux, une dame en détresse ! 
Météore gracieux, filant à toute vitesse ; 
Lueur dans la nuit qui éclaire le marin,
Le phare d'Alexandrie du minéral salin.

Sa chute est guidée par la main des Dieux.
Sa vive complainte est un chant d'adieu ;
Un air émouvant dont les notes coulantes,
Evoquent malgré elles des amours brûlantes.

Jeune pissenlit,
A peine sorti du lit
De ta mère la fleur, 
Voici que tu pleures.

Et tes larmes, qui dans les airs s'envolent,
Sont autant d'astres ; des soleils de diamant,
Qui éclairent tout soudain le conteur hébété.
Il regarde ta chute mais ne peut l'arrêter.

Dans la crique, l'étamine vient de s'abîmer.
Et le sable, dont le coeur s'est soudain animé
A cessé de narrer des légendes à la houle.
— Silence sonore de ses larmes qui coulent —

L'amour est orphelin et vomit la logique,
Tout comme le chagrin, son comparse tragique ; 
Et le grain de sable ne comprend pas
Qu'il a aimé comme on n'aime qu'une fois.

Marcel Shagi

3 commentaires:

  1. Diantre ! Voilà un bien joli fragment rimé, cher Marcel. Un mien camarade, résolu croisé des épithètes et autres joyeusetés procédurales ci-incluses dans la langue française, suppose que dans la troisième strophe, "séant" s'est immiscé à la place de "céans", le coquin. Ou bien les vagues, friponnes et taquines, arrivent sur la plage et posent leur gros séant où y a d'la place, té.

    Quant à l'amour orphelin, ma foi ! logique et chagrin sont deux mots qu'il réfute, jusqu'à ce qu'il campe tristement dans une chartreuse, genre à Parme, tsé, et que la réflexion soit la seule distraction qu'il lui reste. Vite vite ! Adoptons le.

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  2. Té, vous avez bien raison ! Mes mots m'échappent parfois, et lorsqu'enfin ils me reviennent, ils sont tout crottés et emmêlés de s'être allés promenés dans le vaste monde. J'ai beau les polir, les bien ciseler, il s'en trouve toujours un ou deux qui parvient à déjouer ma garde pour se glisser tout dépenaillé dans un de mes textes.
    Merci pour la remarque, cher ami.

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  3. "Et le grain de sable ne comprend pas
    Qu'il a aimé comme on n'aime qu'une fois."

    <3 !

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